Psychologie du musicien

 

Je viens d’animer un gros workshop de 3 jours « Band Recording » chez Abbey Road Institute Paris et le sujet de ce deuxième volet est tout à fait d’actualité !

 

 

 Ce workshop assez exceptionnel a servi de support à un reportage très complet du Magazine KR et vous trouverez un dossier de 12 pages dans le prochain numéro du magazine. Ne le manquez pas !

 

J’en viens donc maintenant au climat, à l’ambiance de la séance et à votre connivence avec le batteur. Ne vous y trompez pas, ces facteurs affecteront fortement la gestion de la balance à venir et ils vont donc conditionner la qualité finale de la musique. Cela commence avec votre prise de contact dés son arrivée au studio, puis se prolonge avec la tasse de café que vous lui offrirez ou l’aide qu’il recevra pour monter son set. S’il s’agit d’une première collaboration, attendez de connaître ses habitudes, ses goûts et envies avant de placer tous vos micros au millimètre !

Bien sûr, vous aurez soigneusement tiré les lignes et vous aurez choisi les micros avant qu’il ne s’installe car c’est important d’être techniquement prêt et de vous sentir serein, mais il ne sert à rien d’avoir ajusté les moindres longueurs, vissé les pieds à fond si tout doit bouger dans les 5 minutes. C’est même un peu contre productif, non ? Et il est assez probable que vous deviez bouger ! !

Câblez soigneusement ! Servez-vous des couleurs pour différencier les lignes et numérotez vos câbles aux deux extrémités… il sera plus facile de vous y retrouver ! Tirez les bonnes longueurs : inutile de prendre un câble de 20m qui va être utilisé sur 3 en étant surtout roulé sur lui même. Roulez l’excédant au pied du micro… c’est de ce côté que vous risquez d’en avoir besoin, pas du côté du « stage box » !

Je ne connais pas de batteur qui ne prenne pas ses marques en bougeant, montant ou descendant tel ou tel élément du set. Déménager une mauvaise installation pourrait même vous faire perdre du temps ! Une astuce de pro ?

Vérifiez tout d’abord que vos câbles seront assez longs dans tous les cas de figure envisageables, que les lignes fonctionnent, que le tube vertical des pieds perches ne touche pas le sol, (eh oui, il faut toujours surveiller cette satanée transmission solidienne) et… éloignerez ensuite tout ce petit monde en périphérie de la batterie, tout en le gardant câblé et prêt à l’emploi. Voilà une raison de plus pour préférer une pièce spacieuse, n’est-ce pas ? D’abord le batteur se sentira soulagé de pouvoir évoluer dans son espace ainsi libéré, de pouvoir régler ses hauteurs de toms ou de cymbales et il ne provoquera pas la chute accidentelle de vos 2 statiques d’over-head tout neufs! Si l’endroit est vraiment dégagé, vous pourrez même lui donner un coup de main, rester avec lui durant le montage pour faire vraiment connaissance et à échanger sur la musique ! Vous n’aurez qu’à replacer précisément vos capteurs en un tour de main, dès que la nouvelle disposition sera validée !

Le batteur a fini de s’installer et je viens de terminer le positionnement de mes micros. Dans cette configuration, je ne manquais vraiment pas de place ! J’ai pourtant attendu qu’il ait complètement terminé son installation et ses réglages avant de rapprocher mes pieds de micros.

Lorsque vous enregistrez une batterie seule, même si vous avez préparé de magnifiques auxiliaires pour son écoute, durant la balance au moins, n’hésitez pas à dériver votre propre mélange stéréo vers le casque du batteur. Ainsi, vous entendrez la même chose et au même moment que lui ! Vous saurez comment il reçoit votre micro d’ordre, (au casque seulement, car attention à ne pas « accrocher » avec vos propres enceintes !), et vous réagirez en temps réel aux mêmes problèmes. Rien ne sera plus simple que de commencer à recopier votre balance vers un futur départ stéréo indépendant, à la fin du soundcheck, si vos besoins diffèrent des siens! Vous pourriez ne pas vouloir du métronome dont il a besoin dans son casque, par exemple ! Lorsque vous réglerez ce nouveau mélange, préférez un départ auxiliaire stéréo avec niveau et panoramique, c’est infiniment plus facile de recopier une balance avec ces outils plutôt qu’avec deux départs mono individuels ! N’oubliez pas d’avoir soigneusement testé le niveau avant de lui mettre son casque sur les oreilles ! Ne le rendez pas sourd dans les premières secondes ! C’est primordial de lui laisser une toute première très bonne impression. Bien sûr l’idéal reste de disposer d’un casque identique à celui du batteur et de le brancher sur le même circuit que le sien. Sans quitter votre régie, vous aurez tout à la fois le niveau et le contenu de son écoute. Au fait, avez-vous remarqué ? Dans tous ces cas de figure, je viens d’évoquer une écoute stéréo sans même laisser d’alternative… pourquoi faut-il absolument utiliser des circuits musiciens en stéréo dés que cela est possible ?

Premièrement, parce qu’un casque mono délivre un simple « point sonore » qui se perçoit comme une écoute un peu passive et distante, alors que la version stéréo du même casque proposera une écoute immersive dans laquelle le batteur s’inclura facilement et avec plaisir. La deuxième raison concerne les réverbes qui ne peuvent simuler un véritable espace et sonner « naturelles » que lorsqu’elles sont diffusées en stéréo. On le voit, l’option est déterminante pour l’implication du musicien!

Lors de mon soundcheck une fois encore, mon couple d’over-head sert de référence et reste toujours ouvert chez le batteur, comme chez moi. Il m’arrive de l’atténuer fortement mais je ne le ferme jamais complètement car c’est lui qui collera les capteurs entre eux et donnera le naturel et le tout premier équilibre de l’instrument.

Pour être agréable et efficace une balance doit être rapide et cela demande à ce que l’ingénieur sache naviguer rapidement entre une écoute d’ensemble et des focus brefs sur les éléments individuels. Votre énergie de technicien doit finalement ressembler à celle du musicien. Logique, non ? De plus, très objectivement, si vous passez 5 bonnes et vraies minutes en solo sur une caisse claire, il y a de fortes chances pour que vous ayez oublié la nature même de la grosse caisse et du charley qui l’accompagnent! Ainsi vous ferez peut-être un son de snare magnifique,… mais sans rapport avec ce qui l’entoure ! Pendant ce temps, votre batteur se sera lassé de cet isolement et de cette demande insistante sur un seul élément. Tout faux, donc !

Même en live, je reste très attentif au fait de disposer un couple d’overheads de manière cohérente. Ici au festival de Marciac, sous un châpiteau qui contenait pourtant presque 7000 personnes, j’avais choisi de reprendre la batterie à travers ce système dont je sais qu’il respecte un set de batterie bien reglé! Le son qui sera repris ressemblera à celui qu’a voulu le batteur… c’est un bon début, non?