Il vous aura donc fallu des trésors d’ingéniosité pour conditionner favorablement votre artiste et pour créer une ambiance propice à l’expression de son talent, n’est-ce pas ? Oui mais maintenant, il s’agit tout de même de la capter, cette fameuse émotion !

 

 

Parlons micros, tout d’abord !

Si j’étais cinéaste ou photographe, il est certain que je commencerais par évoquer la nature et la qualité de mes objectifs avant de vous dévoiler les secrets d’une belle prise de vue! Le tout premier maillon de la chaine revêt évidemment une importance primordiale ! De plus, dés que l’on parle « prise de voix », on pense immédiatement aux inaccessibles micros de légende qui les accompagnent. Qu’en est-il réellement ? Peut-on enregistrer la voix lead avec de plus modestes capteurs sans trop la dénaturer? La réponse est obligatoirement nuancée ! Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’au delà d’une grande fidélité, certains capteurs embellissent la nature de la voix humaine en lui ajoutant précision, chaleur et présence. Il ne s’agit donc plus vraiment de respecter et retranscrire la source mais plutôt d’en souligner certaines caractéristiques. Grâce ou à cause de leurs larges diaphragmes, ces « best-sellers » sont précisément sensibles à l’effet de proximité et… ce qui pourrait être un défaut devient une qualité. (Et c’est souvent le cas, en audio !)

Mais qu’est que c’est que cet effet de proximité dont tout le monde parle et pourquoi une large membrane y est-elle plus sensible qu’une moins large ?

Disons tout simplement que les micros cardioïdes ou bi-directionnels à gradient de pression mesurent la différence de pression qui existe entre l’avant et l’arrière du diaphragme. A faible distance de la source, l’onde acoustique est sphérique, (un peu à l’image des « ronds dans l’eau » que provoquent les ricochets, mais en 3 dimensions). Ces ondes impactent donc à la fois l’avant et l’arrière de la membrane, ce qui provoque un déphasage donc une déformation en augmentant les basses fréquences. Les micros omnidirectionnels ne sont pas concernés par cet effet. Dés que l’on s’éloigne sensiblement de la source, la sphérisation de l’onde s’atténue et devient négligeable. L’effet perd de son importance jusqu’à disparaître complètement.

Ouvrons une petite parenthèse sur les cas spécifiques qui n’utilisent pas cet effet de proximité. Le rendu très naturel d’une voix lyrique, par exemple, dictera le choix d’un petit diaphragme tenu à distance de l’artiste.

 

Lors d’enregistrement d’opéras ou d’œuvres classiques vocales, vous observerez souvent, l’utilisation de perches actives ou de micros de même type, (à condensateurs), très discrets et localisés à distance, dans l’axe des solistes. Surtout pas d’effet microphonique dans ce genre de contexte et… les réalisateurs vidéo raffolent de leur discrétion.

 

A l’opposé, une chaine vocale constituée d’un U47 à lampes et d’un préampli Neve 1073 ou 1084 reste inégalée sur des voix à la texture un peu rocailleuse. Typiquement le type de voix « à grain », (en majorité afro-américaines), que le label Motown affectionnait. De fait, ce son est donc devenu « la référence » pour ce type de voix. Le revers de cette médaille ? Ces micros « étalon » vieillissent et même si des techniciens d’exceptions se spécialisent dans leur entretien ou même leur réparation, il devient compliqué et dispendieux d’en changer les lampes ou même de les maintenir dans un état de fonctionnement correct !

Une rareté! 4 à la fois ! La VF14 Telefunken qui équipe le fameux  U47 d’origine n’est plus fabriquée depuis les années 60! Même lorsqu’on en trouve encore  le tube a forcément perdu du gaz. De plus, l’ensemble des puristes s’accordent à reconnaître que les composants RF14 ou Nuvistore qui les remplacent ne sonnent pas comme le tube d’origine… d’où l’intérêt d’un tel gisement de VF14 ! Chacune peut  se vendre aux environs de 1000€ !

 

Résultat des courses ? Beaucoup d’ingénieurs préfèrent aujourd’hui se tourner vers de très belles ré-éditions ou même des alternatives plus modernes qui utilisent des composants que l’on peut renouveler dans de meilleures conditions ! Pour ma part, il y a quelques mois, je me suis séparé de mon dernier U47 à lampes que j’aimais pourtant particulièrement ! Je devais le mettre sous tension 30 minutes avant ma séance afin que certains bruits parasites veuillent bien disparaitre et que le tube soit « à température » et croiser les doigts pour qu’aucune prise ne soit interrompue par un grésillement malvenu !

 

Ici, deux exemplaires du célèbre U47 et de sa capsule M7. Lorsque j’ai fait l’acquisition de ces vétérans, ils étaient équipés de composants Nuvistors, (on les aperçoit ici au centre du corps des 47), supposés remplacer la VF14. Je me suis empressé de les remplacer par les lampes d’origines ! Après cette opération, ils étaient méconnaissables !