Nous voici donc arrivés au terme de ce parcours initiatique en studio de mastering… Bien sûr,
il y aurait encore beaucoup à dire et le véritable mastering s’aborde avec humilité… Il s’agit d’un art complexe qui demande beaucoup d’expérience! Disons que, modestement, nous avons envisagé cette spécialité dans ses grands principes : exigences acoustiques du lieu, équipements, approche et méthode. C’est donc logiquement sur la toute dernière étape du processus de traitement que nous allons nous pencher aujourd’hui.
Reprenons donc notre workflow là où nous l’avions laissé lors de mon dernier article. Après avoir nettoyé, traité, valorisé et embelli notre signal, c’est à présent une véritable mise au standard dont il s’agit puisqu’il faut le faire correspondre aux normes en vigueur. Nous devons pouvoir le comparer à d’autres productions tout en étant « raccord » avec les niveaux, largeurs et couleurs du moment. Parallèlement, c’est une évidence, les morceaux de l’album doivent également être homogènes entre eux et même si nous savons qu’ils peuvent aujourd’hui s’acheter et s’écouter de manière isolée, la notion d’album subsiste. Le fil rouge qui relie les différents titres entre eux doit rester bien perceptible afin de préserver l’immersion dans un même « film musical ». Un album reste un livre dont les différentes plages sont les chapitres. Notons d’ailleurs qu’il est préférable de simuler le mastering d’un album physique, même dans le cas d’une distribution purement électronique. D’abord parce que le travail sera ainsi facilement transposable sur un éventuel support à venir et ensuite parce que cela renforce le lien naturel entre les titres et nous évite donc de trop morceler l’album en titres individuels.
Phase 4 : mise au standard
Cette quatrième grande famille d’opérations débutera par le décodage M/S de notre signal afin de rétablir le fichier stéréo et ses propriétés. En effet, s’il était intéressant de disposer jusque-là des canaux « somme » et « différence » proposés par le codage M/S, les manipulations qui vont suivre s’appliquent plus facilement au traditionnel format stéréo des fichiers.
Dans un premier temps, focalisons-nous sur le tout premier de ces repères de standard et l’un des plus importants : le niveau. Nous disposons d’une certaine marge dynamique qui, certes, a beaucoup diminué avec le temps, et si au plus fort de la guerre des niveaux (Loudness War), il y a quelques années, elle était tellement réduite qu’elle finissait par poser de sérieux problèmes de musicalité, le diktat du niveau RMS s’est enfin un peu relâché. Oh, ce n’est pas encore le rêve et certains continuent à penser « louder is better » (plus c’est fort, mieux c’est !), mais grâce à la norme EBU-R128, édictée en 2012 pour le broadcast, les acteurs de l’industrie sont revenus à un peu plus de discernement. C’est une bonne chose car, si quelques genres musicaux se prêtent assez bien à l’exercice, d’autres y « laissent des plumes » ! Aujourd’hui, de manière sensée, certains albums sont même proposés dans deux versions, l’une dite commerciale reste dominée par des considérations de niveaux, l’autre respire plus et se destine aux véritables audiophiles. Toujours est-il que, quelle que soit la marge réelle que l’on se donne, la gestion des niveaux d’un album reste primordiale. Prenons l’exemple de chansons : l’écoute globale doit proposer un niveau de lecture de voix cohérent au fil des différents morceaux. Bien sûr, vous pouvez varier sensiblement le volume d’un titre à l’autre mais, dans notre exemple, la voix représente le repère, l’élément de liaison d’un titre à l’autre. Seules les variations plausibles, comme celle d’une ballade guitare-voix par rapport à un morceau « up tempo » très orchestré, peuvent être comprises ! Aujourd’hui, le postulat de base est que, sauf contrainte extérieure, l’auditeur ne réajustera pas le volume de son lecteur lors de sa séance d’écoute. Que ce soit à l’intérieur même de l’album que vous êtes en train de travailler ou, a fortiori, dans un moment de zapping musical, il souhaitera trouver une moyenne cohérente tout en admettant, bien entendu, qu’une partita de violoncelle de Bach ou un solo de piano jazz puissent être moins forts que le dernier album de David Guetta ! En marge de ce raisonnement de pure inflation des niveaux, il faut également constater l’évolution des usages en matière de musique. Nous ne l’écoutons plus du tout dans les mêmes conditions que par le passé.
Nous évoquerons donc prochainement la portabilité de nos titres vers des lieux et des conditions d’écoute très variées…
A très vite