Nous voici enfin devant la pièce maitresse de notre édifice ! Si vous avez le droit de ne pas parfaitement réussir certaines prises, la voix n’en fait clairement pas partie ! Dans notre fameux duo guitare-voix, on vous pardonnera sans doute une guitare pas tout à fait assez dynamique ou un peu terne mais vous ne pouvez pas rater la prise de voix. I.N.T.E.R.D.I.T !

 

Steve Lillywhite qui n’est autre que le producteur de U2, de Peter Gabriel ou des Rolling Stones, entre autres, me disait récemment qu’elle constituait à elle seule les 9/10ème de ses critères de choix pour s’impliquer dans une production. « Je peux toujours tenter de convaincre les musiciens de modifier un riff de guitare qui ne me plait pas ou au pire, de m’en accommoder mais… une voix qui ne me fait rien ou pire encore, qui me hérisse ? Inconcevable ! Ce n’est même pas la peine que j’essaie !»

Ce qu’il faut comprendre c’est qu’effectivement, le chant lead véhicule l’émotion essentielle d’un titre : la nature de son timbre, son exécution et sa qualité de prise doivent impérativement traverser la chaine d’enregistrement et vendre la chanson ! L’interprète doit « parler » à l’auditeur et c’est essentiellement sur ce lead que sera jugé l’ensemble de la production en imprimant sa personnalité à la composition.

Aspect psychologique

Mais avant toute chose, il est Inutile de s’attacher à souligner une émotion absente qui aura été gommée par un enregistrement mal adapté, n’est-ce pas ? Nous allons donc nous intéresser en premier lieu aux conditions qui créaient un climat psychologique favorable à une séance voix.

L’implantation, votre setup, comme on dit en anglais, doit tout d’abord favoriser la communication entre les acteurs. Le chanteur ou la chanteuse bien sûr, mais aussi l’opérateur !

Ici avec Lise Mac Comb aux Studios Davout, (quels regrets que ce studio magique ne soit plus…)

La cabine surplombe l’immense plateau de prise et le vitrage est très large et confortable. Il s’agit de bien faire sentir à l’artiste qu’elle bénéficie de toute notre attention… De mon côté, je ne peux « louper » aucun de ses faits et gestes. Impliqué, le garçon !

Le visuel, tout d’abord ! Imaginez une seconde que vous enregistriez un interprète situé dans une autre pièce, en aveugle. Vous ne voyez rien de son attitude ou de son immersion dans le titre. Vous ne savez rien de son niveau de confort, (ou d’inconfort) car aucun indice ne vient vous renseigner sur ce plan en dehors de ce que vous entendez. Ces informations sont pourtant précieuses, une grimace sur un passage peut vous renseigner sur sa difficulté à l’aborder, il peut également souhaiter un éclairage plus doux ou, au contraire, peine peut être à lire son texte du fait d’une lumière trop faible. Il peut être simplement fatigué et avoir besoin d’une pause et s’il n’ose pas vous le dire, vous ne le saurez tout simplement jamais ! Lui, de son côté, ignore également votre niveau d’implication, votre degré d’attention et il n’a aucune idée de ce que provoque chez vous son interprétation ! Vous ne jouez tout simplement pas votre rôle de « premier public » pourtant si important à ce stade. L’échange visuel est donc réellement primordial dans ce type de circonstances.

Là, c’est un peu la récompense. Heureuse d’être là, lise!! Et du coup… vous pensez bien que moi aussi!! On fait ce métier pour des moments comme celui-ci!


Un cas Particulier: Le monitoring chant aux enceintes!!!

Lorsque nos artistes ne veulent pas du casque…

Il nous arrive de devoir enregistrer un vocaliste qui ne supporte pas « l’enferment » du casque. Pourquoi et comment faire ?

La raison en est assez simple. Nous percevons notre voix à travers nos oreilles, bien sûr, mais aussi à travers la conduction de nos os et de notre corps. Cette voie solidienne apporte une composante grave à votre voix. Vous avez forcément déjà vécu cette sensation étrange de ne pas vraiment vous reconnaitre lorsque votre voix est enregistrée pour la première fois ? Tout le monde semble à l’aise, tous vous identifient et pourtant, à votre oreille, cette voix ne vous appartient pas vraiment ! Vous n’avez que la perception aérienne de votre voix et le reflet exact de ce que les autres perçoivent de vous. Certains artistes dégagent un pavillon du casque ou se bouchent même une oreille avec la main afin de retrouver un peu de contrôle solidien de leur voix. D’autres ne s’y font pas vraiment et nous devons trouver une alternative. 

 

Le comment : lorsque le son des enceintes est diffusé, il parvient au micro en même temps que la voix. Avant traitement, nous enregistrons donc ce signal, exactement au même niveau, sans aucunement le modifier. Par la suite, il est facile d’en inverser la phase et de le superposer au signal voix + instrumental. La partie commune de ces deux pistes tendra donc à s’annuler et seule… la voix restera ! Dans la pratique, en étant très rigoureux dans la mise en œuvre de ce dispositif, du fait de l’annulation de phase particulièrement efficace dans le grave, on obtient une réjection qui donne l’impression d’une voix prise au casque un peu fort. Pas mal, non ?