Continuons à parcourir notre séance voix en observant attentivement les facteurs psychologiques et de confort à observer.

La visualisation et la communication, tout d’abord! Je vous en ai déjà parlé: pour ma part, je n’ai pas de visualisation directe entre ma régie et mon petit plateau de prises. J’ai donc équipé mon « project studio » versaillais d’un système vidéo avec de (très) grands écrans et une liaison bidirectionnelle filaire, sans latence. Faute d’un vitrage direct, ce système permet au moins une présence virtuelle convaincante.

Par ailleurs, j’apporte un soin tout particulier à mon réseau d’ordres audio afin d’apporter le confort d’une communication audio fluide.

Il n’est certainement pas inutile de rappeler quelques principes vous permettant un dialogue de qualité entre la « control room » et les musiciens : 

Côté régie, tout d’abord : Il faut vous assurer d’utiliser un micro très directionnel et proche de votre bouche afin de ne pas trop reprendre ce que vous diffusez dans vos enceintes. Pour la même raison et… afin d’éviter un larsen meurtrier, il faut utiliser un système de switch qui ne vous donnera la parole que lorsque vous en avez réellement besoin. Pas question de le laisser ouvert en permanence : Vous préservez ainsi la bulle sonore de l’interprète et vous autorisez des échanges privés avec d’autres personnes dans la cabine. Certaines grosses consoles, à l’image de la très grosse SSL 9000K d’Abbey Road Institute Paris, possèdent même une télécommande radio de cet interrupteur d’intercom. Un directeur artistique ou un coach vocal peuvent ainsi intervenir à volonté sans attendre la permission de l’ingénieur du son !

Côté chanteur : Assurez-vous d’avoir testé le niveau d’envoi de votre micro d’ordre dans le casque du chanteur. Tiens… encore une petite astuce : en plus du casque que je garde souvent à proximité de mon écoute pour vérifier tel ou tel détail, j’ai toujours une deuxième casque, identique à celui que j’ai proposé à l’artiste, qui est branché sur le même circuit que le sien. Je suis toujours en mesure de tester ce qu’il entend, tant en qualité qu’en niveau ! Par ailleurs, je dispose souvent une petite enceinte, très silencieuse au repos, bien sûr, dans laquelle je n’envoie que mon micro d’ordre à petit niveau. Je peux ainsi communiquer avec le plateau même si les artistes n’ont pas encore mis leurs casques… ou les ont déjà enlevés !

Eh bien, malgré ces dispositifs et leurs avantages, il n’est pas rare que mes séances voix se terminent dans ma régie, tous au casque

Eh oui, le micro peut se retrouver dans la cabine!

Bien sûr, dans cette éventualité, il faut faire taire tous les ventilateurs et autres bruits parasites pour obtenir un niveau de bruit minimal dans le micro de chant L’avantage d’une telle configuration!

Quelques exemples de niveaux de bruit dans une piece

 Je ne dirai jamais assez combien il est important de maintenir un bruit ambiant à son strict minimum dans un studio ! Que ce soit du côté du plateau ou de la régie, il évitera de parasiter le signal et vous évitera un effet de masque, fatiguant et obligeant à un niveau d’écoute plus élevé pour vous en dégager. De plus, le bruit n’est jamais uniforme dans le spectre et il risque fortement de fausser votre perception

l’extrême proximité qu’offre le fait de partager un même espace est parfois irremplaçable. Généralement, j’installe l’artiste légèrement en arrière de ma position de façon à lui offrir une certaine intimité en ne le regardant pas directement en permanence, (rappelez vous qu’il est forcément intimidant pour un chanteur de devoir…) Il me suffit cependant d’une simple petite rotation du fauteuil pour rentrer en communication directe avec lui, ou d’un simple pouce levé sans même me retourner pour manifester mon encouragement sur un passage difficile. De plus, un tel système peut me permettre de nous extraire instantanément de la rigidité obligée d’une communication à travers des micros et caméras. Ce qui peut s’avérer salutaire pour reprendre une respiration dans une séance un peu laborieuse. Il arrive même, dans certains cas ultime, que nous choisissions de nous passer de casque. Eh oui, vous avez bien lu ! Certains artistes perdent tous leurs moyens lorsque le casque les isole et nous avons dû inventer des techniques qui nous permettent de travailler directement avec les enceintes ! Sur scène, le problème se pose d’une manière presque identique avec les in-ear monitors.

Cas particulier: Il nous arrive de devoir enregistrer un vocaliste qui ne supporte pas « l’enfermement » du casque. Pourquoi et comment faire ?

La raison en est assez simple. Nous percevons notre voix à travers nos oreilles, bien sûr, mais aussi à travers la conduction de nos os et de notre corps. Cette voie solidienne apporte une composante grave à votre voix. Vous avez forcément déjà vécu cette sensation étrange de ne pas vraiment vous reconnaître lorsque votre voix est enregistrée pour la première fois ? Tout le monde semble à l’aise, tous vous identifient et pourtant, à votre oreille, cette voix ne vous appartient pas vraiment ! Vous n’avez que la perception aérienne de votre voix et le reflet exact de ce que les autres perçoivent de vous. Certains artistes dégagent un pavillon du casque ou se bouchent même une oreille avec la main afin de retrouver un peu de contrôle solidien de leur voix. D’autres ne s’y font pas et nous devons trouver une alternative.
Le comment : lorsque le son des enceintes est diffusé, il parvient au micro en même temps que la voix. Avant traitement, nous enregistrons donc ce signal, exactement au même niveau, sans aucunement le modifier. Par la suite, il est facile d’en inverser la phase et de le superposer au signal voix + instrumental. La partie commune de ces deux pistes tendra donc à s’annuler et seule… la voix restera ! Dans la pratique, en étant très rigoureux dans la mise en œuvre de ce dispositif, du fait de l’annulation de phase particulièrement efficace dans le grave, on obtient une réjection qui donne l’impression d’une voix prise au casque un peu fort. Pas mal, non ?