Les bonnes résolutions ! Pour cette rentrée 2019, j’ai décidé d’ouvrir un grand dossier sur le mixage. Vos questions récurrentes le montrent : Si on se débrouille souvent pour enregistrer à peu près correctement en home studio, dans l’esprit de beaucoup, le mix demeure un peu mystérieux… on ne sait même pas forcément ce qu’est un mixage réussi !

Décrire les phases cette étape en quelques pages demeure un exercice hautement acrobatique. Les paramètres concernés sont tellement nombreux qu’il est difficile, voire impossible de ne pas en oublier ! Chacun des points majeurs que nous allons aborder dans ce dossier mériterait sans doute à lui tout seul plusieurs longs articles. Afin d’être aussi complet que possible, je vais m’efforcer d’évoquer l’ensemble des jalons qui retracent une véritable méthode de travail chronologique qui vous donne à la fois approche et méthode dans cet art difficile du mixage.

Avant même de mixer : le contexte et l’analyse…

Pourquoi et pour qui vous retrouvez-vous aux commandes ? La question peut paraître triviale mais elle conditionnera pourtant toute votre démarche. Cherchez-vous à séduire un directeur artistique de label à travers une démo ou êtes-vous en train de valoriser l’une de vos propres compositions sur laquelle, à force de tout faire, vous manquez singulièrement de recul ? Mixez- vous pour le compte d’un producteur ou d’un artiste qui attend de vous une lecture très codifiée du résultat ou, au contraire, êtes-vous force de proposition en disposant d’une grande marge de liberté ? Eh oui, il faut absolument délimiter le périmètre de votre terrain de jeu puisqu’il ne servirait à rien de réaliser un mix qui ne plaise qu’à vous ou même à un interlocuteur qui n’est pas le décisionnaire final ! Dois-je vous rappeler qu’il peut exister des dizaines de bons mix d’un même titre et que leurs caractéristiques sont avant tout subjectives ? Objectif premier, donc : ne pas se tromper de cible ! Comme en mathématiques : souvenez-vous que la moitié de la solution se trouve déjà dans l’énoncé du problème !

Si vous prenez le train en marche et que vous n’êtes pas l’auteur des prises, énumérons quelques points clés fréquemment oubliés et qui pourtant relèvent souvent du pur bon sens. Connaissez- vous l’historique de cette production ? En dehors des techniciens qui vous ont précédé et qui pourront sans doute vous renseigner sur certains points de repère et sur les éventuels goûts des protagonistes, la mise à plat de fin de prises qui a immanquablement circulé peut s’avérer précieuse. Elle vous indiquera quel a été « le sens de lecture » lors des enregistrements. Les remarques qui l’accompagnent vous aideront à distinguer les pistes à suivre et même celles qu’il faut abandonner.

Même les éléments négatifs de cette mise à plat peuvent recéler de nombreuses indications. Un exemple ? On vous dit qu’il y a beaucoup de réverbe dans ce mix « vite-fait » et que la voix est noyée. Si de votre côté, votre impression est qu’il n’y en a pas tant que cela… il devient simple d’en déduire qu’on recherche une voix très « dry », que la production cherche un effet « in the face ». Le défaut du rough mix vous a donc donné de précieuses informations !

Votre première écoute … vos premières impressions

Certains parlent d’écoute passive. Pourquoi passive ? Parce que le cerveau humain est ainsi fait : lorsque vous agissez, vous n’écoutez plus vraiment… vous êtes « dans l’action » ! Bob Katz a une phrase merveilleuse pour décrire ce phénomène : « Lorsque vous avez un marteau dans la main, tout à. L’air d’un clou » ! C’est tellement vrai!

Il vous est certainement déjà arrivé de « printer » un résultat de fin de séance dont vous vous demandez si la voix est équilibrée , s’il n’y a pas trop de basse ou de réverbe. Bref… carrefour des doutes ! Vous vous dîtes qu’en l’écoutant ailleurs, vous retrouverez sans doute quelques points de repère ! Arrivé à la maison, vous plantez votre clé USB ou ouvrez votre DropBox, vous mettez un casque sur la tête et… dés les premières mesures, vous avez un avis tranché et les erreurs vous sautent aux oreilles ! Des évidences ! Vos idées sont précises et si vous le pouviez… vous corrigeriez là… tout de suite ! Oui mais voilà ! Votre perception est aiguisée et vous entendez tout parce que vous n’êtes pas acteur. La sagesse consiste alors à noter l’ensemble de vos impressions, le plus précisément possible afin d’avoir une feuille de route lorsque vous serez de retour au studio… plus tard!

C’est un peu la même chose en ce qui concerne cette toute première écoute passive de votre titre ! Soignez ce moment particulier ; par définition, vous ne serez jamais aussi proche de l’auditeur final qui, lui aussi, découvrira le titre pour la première fois. Personnellement, je sacrifie systématiquement à ce rituel, feuille de papier à la main et portable coupé, en m’interdisant de toucher à autre chose que mon niveau de monitoring et en notant toutes mes impressions majeures. Je consigne une émotion particulière, une intro un peu longue, des défauts de justesse ou de mise en place, un refrain qui ne décolle pas vraiment, un passage long et ennuyeux ou… un effet très réussi qu’il ne faut pas hésiter à mettre en valeur !

Vous aurez ainsi fabriqué une feuille de route à laquelle il sera facile de revenir se référer

À partir du moment où vous allez vous concentrer sur le titre et les ingrédients qui le composent, vous éroderez ces sensations en vous habituant aux qualités et défauts existants. Ayant perdu un peu de recul, il sera alors intéressant de pouvoir revenir à vos notes afin de vous souvenir de votre premier ressenti !