L’auteur des faits et… son équipe.

Il y a quelques mois, je faisais mon entrée dans les colonnes du magazine Hors Phase et mon « baptême du feu » s’organisait autour d’une machine pour laquelle j’aivais déjà de profondes affinités déclarées….

Portrait Tete from KRGérard PONCET, le créateur, est un passionné, un vrai ! Christian BUBENDORF, l’électronicien qui fait équipe avec lui depuis des années ne l’est pas moins ! Bien sûr, Jean-Baptiste DEMOUY est un homme de son et un musicien et il est chargé de représenter l’aspect commercial de ce trio.

J’ai encore des souvenirs émus des consoles Freevox devant lesquelles, gamin, je rêvais avant même d’avoir choisi ma voie. Lorsque Gérard est venu me voir, il y a cinq ans avec un rack deux U, à peine sérigraphié, au look « Soviétique » en me disant, « s’il te plait, essaie-moi cette machine à fond et dis-moi en toute franchise ce que tu en penses, ce qu’elle a dans le ventre, sans lui faire de cadeau… Compare-la à ce qu’il y a de mieux. ». Tout d’abord un peu impressionné par l’homme, il m’a très vite mis à l’aise par sa gentillesse et sa simplicité. J’ai bien sûr accepté ce premier test avec joie !

 

Rude concurrence

Les préamplis de renom et de qualité étaient nombreux et variés dans ma cabine, des plus transparents tels que les Millenia, au plus colorés comme les 1073 NEVE, en passant par des tube Tech, des SSL, des Focusrite, des Avalon – à l’époque j’avais même un DW-FEARN – sans compter mes Euphonix qui n’étaient pas les moins performants… bref, j’avais de quoi faire concourir «la  bête » au plus haut niveau!

 

Eh bien, cette « pré-série » m’avait déjà tellement plu que… je l’ai conservée plusieurs années et l’ai utilisée pour tout ou presque ! Bien sûr, à l’époque, j’avais suggéré à Gérard de revoir sa copie sur quelques détails ergonomiques, un vu-mètre peu lisible et peu utile, un coupe-bas rudimentaire et pas très bien « placé » et cette apparence un peu « militaire » dont je parlais plus haut. Quelques options manquaient encore en façade… Sur le plan audio, en revanche, j’avais été estomaqué par la polyvalence et la propreté du PML200 version Beta. Il faisait des miracles sur mes DPA 4041 et mes km84. Gérard avait repris goût à l’audio pro et faisait revivre au plus haut niveau la marque Freevox. Pas de raison que nous ne sachions pas faire aussi bien que les anglais ou les américains, me disait-il ! La France ne se résume pas au foie gras et au poulet de Bresse !

Le premier PML était très présent dans mon quotidien professionnel et il impressionnait tellement les musiciens avec qui je travaillais que le grand guitariste flamenco Juan Carmona, avec qui je venais de réaliser un album, passionné de son et lui-même propriétaire d’un studio décida aussitôt de s’en procurer un, toutes affaires cessantes! Lorsqu’on connait le rapport à l’instrument, l’exigence de timbre et de dynamique de ce type de musiciens de haut vol, le fait est révélateur ! On le voit, le PML 200 était bien né !

 

D’hier à aujourd’hui

Passons à la version actuelle et « de prestige » de ce double préampli de course, « pure classe A » mixte, (transistors et lampes)! Le PML200E-P affiche d’emblée des réglages que j’affectionne particulièrement car ils ne sont pas tous particulièrement courants. J’avais expliqué un jour, à Gérard, que mes vieux Focusrite et leurs sélecteurs d’impédance me permettaient de tirer tout le potentiel de certains capteurs que j’avais du mal à « sortir » avec les outils habituels. Prenons l’exemple d’artistes tels que Cyndi Lauper ou de Zucchero avec qui j’ai eu la chance de collaborer et qui ne veulent chanter dans rien d’autre qu’un… sm57 Shure, (si, si !)… Eh bien… vous aviez intérêt à pouvoir en tirer la quintessence… Ce capteur n’étant ni un modèle de sensibilité ni d’étendue spectrale, la parfaite adaptation d’impédance restait une garantie de récupérer à 100% ce que ce « dynamique » de base peut donner ! Je trouvais donc cette particularité astucieuse et trop rare.

 

Sur le modèle qui vient de m’être présenté, l’option est présente, elle est couplée à des présélections de niveaux et est même poussée encore plus loin puisqu’un commutateur à quatre positions nous est proposé : R pour Ribbon / Ruban, D pour Dynamique, C pour Condenser et… cerise sur le gâteau, la mise en fonction de l’alimentation phantom n’est possible qu’à partir de cette dernière position, (le danger d’envoyer du 48 volts dans un vieux ruban, ce qui est rédhibitoire , est ainsi mécaniquement écarté… malin !) Et, enfin, bien que la bête encaisse des niveaux astronomiques sans broncher, un atténuateur direct de 20dB est disponible sur l’étage d’entrée. Bravo ! Les impédances d’entrées varient de 500Ω à 3000Ω et les niveaux de -80dBu à 0dBu suivant la position de ce sélecteur d’entrée.

 

Cet outil possède un interrupteur « ground lift » et une entrée jack 6.25 pour ce qui concerne la partie « DI », (très haute impédance de 10MΩ), nous le verrons plus loin, ce qui n’est pas la partie pauvre de cette machine, ainsi qu’un coupe-bas à deux positions, 80 et 160Hz. Je l’aurais à priori préféré « glissant » mais le choix de ces fréquences est plutôt bien pensé, (« pas un peu  haut de 160Hz pour un appareil de studio, tout de même ? »), un inverseur de phase, le potentiomètre de gain et une diode à trois états -20dBU, +12dBU et +20 dBU … Voilà, tout y est ! Simple, me direz-vous ? Oui ce n’est qu’un préampli, mais quel préampli !!

 

C’est donc beau mais… est-ce que cela sonne ?

Florent -mon assistant- et moi, avons voulu tout d’abord tester le PML sur des signaux techniques, pour en apprécier la neutralité, les performances et la validité des réglages. Ensuite, bien entendu, nous l’avons entendu sur des sources musicales… Après tout, il s’agit de la finalité de l’objet, non ?

 

Prenons la mesure technique de la machine

Le voici tout d’abord branché en parallèle avec un Focusrite qui comporte, lui aussi le fameux sélecteur d’impédance, les niveaux de bruit sont comparés. Ne possédant pas de chambre sourde, il m’est impossible d’atteindre les limites audibles de telles électroniques. La cabine a beau être bien isolée et soigneusement fermée, le bruit ambiant apparait bien avant son équivalent électronique. Même dans ces conditions très imparfaites, le Freevox semble détenir la pôle position : il est le plus silencieux, plus encore peut être que son prédécesseur testé il y a quelques années (détail amusant, j’ai conservé tous les fichiers de mes tests du PML d’antan… Idéal pour les comparaisons à travers les quelques 5 années qui nous séparent de ce premier chapitre !) Un bruit rose à 95 dB SPL est envoyé à mes deux C414 tout neufs à travers les deux préamplis. Je ne m’attendais pas à une coupure à 80Hz aussi efficace et une à 160Hz aussi douce…

Bravo pour ces deux propositions de pentes aussi différentes. La position la plus élevée ne se résumera pas au rôle de « coupe-vent » ! Très douce, elle permet d’alléger le grave sans le couper.

Sur le Focusrite, en revanche, le HPF « glissant » s’avère difficile à repérer et à régler deux fois de suite à l’identique ! Il est également moins efficace. Une petite analyse spectrale viendra confirmer nos impressions. Un léger résiduel, tout en bas, résiste au coupe-bas dans le préampli américain. Finalement, mes préjugés s’envolent en fumée et l’option la plus simple donne de meilleurs résultats. L’atténuation directe de l’étage d’entrée n’affecte en rien les performances. Finie l’époque où l’on évitait d’enclencher un « pad » de -20 en sachant très bien qu’on allait rétrécir le champ d’action de l’étage suivant ! Attention toutefois au bruit de commutation. Pas question de vous décider à « padder » en cours de prise ! Un switch rotatif sur 20 dB, cela envoie des impulsions indigestes vers les convertisseurs !

 

Face à la musique

Mes deux vieux km84, une paire de C414 tout neufs et des M149 vont être désormais sollicités pour enregistrer divers instruments à travers les deux canaux du Freevox. J’utiliserai tour à tour des niveaux doux, (entre 80 et 90 db SPL) et, parfois élevés – jusqu’à 104dB SPL pour certains !

 

Les transitoires élevées d’une batterie acoustique sont aujourd’hui manifestement mieux rendues qu’autrefois, à très haut niveau, j’atteindrai le seuil subtil auquel ma diode bascule dans le rouge et dont l’étalonnage est parfait. Dans le vert, tout est transparent, l’orangé (+12) signifie que l’on colore progressivement en harmonique 2 et que l’on donne une couleur douce et très musicale. Comme je suis « taquin », j’irai coller deux atténuateurs de 20dB derrière les sorties lignes afin d’atteindre et dépasser la dynamique admissible du préampli sans saturer les convertisseurs ! Le rouge de la diode marque réellement la saturation franche… ce qui laisse 8 dB de marge dans lesquels votre signal est coloré et légèrement compressé… Très musical… cela donne presque envie d’avoir un PML en bout de chaine de mastering, comme ampli ligne, juste pour arrondir. Ce serait « luxe », non ?

 

Une guitare acoustique acier en arpèges est très bien relevée. Tout le piqué du son est là, sans aigreur excessive, je reconnais les aigus doux de mes Neumann. Une guitare électrique claire puis une autre saturée me feront aimer la distorsion progressive qui apparaît. On peut presque parler de traitement, à ce niveau là. Un saxophone ténor très chaud me permet de vérifier la rondeur et la richesse harmonique de cette électronique noble. Tous les timbres sont parfaitement restitués, la richesse harmonique est préservée et la coloration vraiment très progressive !

 

J’ai planifié une prise de voix au plus près de la source, (voir encadré) qui devrait me renseigner sur la tenue medium d’un micro exigeant.

 

La DI – est restée sensiblement la même que sur l’ancienne machine. Etonnante de clarté et de dynamique ! La meilleure DI que je connaisse, tout simplement.

 

La fabrication interne est également irréprochable, clarté, accessibilité qualité des composants, taille et référence des transformateurs, de l’alimentation (d’ailleurs son prix prohibitif, non divisible, condamne l’hypothèse d’une version mono ultérieure), le choix et les spécifications des lampes dont le voltage est inférieur de moitié aux lampes usuelles, (190 volts au lieu de 300 ou 400), leur garantissent une longévité de 5 ou 6000 heures (le compteur d’utilisation « cristaux liquide », vous renseigne sur ce point)…

Pour finir, le prix de remplacement de telles lampes se situe aux alentours de 20€ pièce. Symptôme révélateur, le PML200E-P ne chauffe presque pas, son poids de 5 kg et sa fabrication semblent autoriser une utilisation haut de gamme dans des racks de scène bien protégés. Il atteint sa température d’usage très rapidement et… nul besoin d’attendre 10 ou 15 minutes comme sur certains concurrents pour pouvoir l’utiliser.

 

Mes (petits) regrets, s’il en faut absolument, résident dans l’absence d’un niveau de sortie ligne réglable et cranté, pour mieux jouer avec la progression de couleur de l’étage d’entrée. Le fait que les gains d’entrée ne le soient pas, semble correspondre à nombre d’utilisations de variation continue du gain en post-production. Je ne m’étendrais pas sur ce point d’autant que l’étalonnage de ces potentiomètres est parfait.

 

J’ai aimé  la conjugaison de la transparence et de la matière, de la valeur ajoutée, la qualité de fabrication, le peu de dégagement de chaleur qui laisse deviner la fiabilité de la machine, la fermeture d’une bande passante à 40KHz … (elle s’envole naturellement jusqu’à 150.000 !). Cela fait partie des processus qui rendent la version 2013 plus musicale et plus douce que les précédentes.

 

De mon point de vue, s’il ne faut avoir qu’un seul préampli stéréo haut de gamme dans une installation audio, s’il doit être associé à des capteurs très divers, s’il doit couvrir des besoins allant de la prise absolument transparente d’un couple de haut vol jusqu’à de la prise de proximité sur un instrument harmoniquement riche, le choix d’un PML Freevox est l’un des plus judicieux que l’on puisse faire. Sa polyvalence est inédite et le classe dans le groupe de tête des deux catégories de préamplificateurs de micros.

Si votre budget ne vous permet pas d’atteindre les 3600€ HT du prix de la bête, sachez qu’il en existe des versions simplifiées : une version 200-E Standard Transistor-Tubes est vendue 3120€ HT, une autre, la PM200, ne comporte pas de tubes pour 2900€ et quelques autres plus simples encore. Sachez également que toutes les déclinaisons bénéficient de la même qualité de fabrication et des mêmes choix de composants.

Pour les amoureux collectionneurs… dont je suis, aucune raison de ne pas faire figurer ce fleuron de l’audio français aux côtés des illustres marques étrangères qui semblaient ; jusque là, détenir le monopole de l’excellence !

 

Pierre JACQUOT